SINISTRARI D'AMENO : Le traité de la Sodomie

 



Qu'est-ce que la sodomie et comment peut-elle exister entre deux femmes ? si può avere fra due donne?
C'est un théologien, Luigi Maria Sinistrari d'Ameno qui répond, dans son traité De sodomia tractatus. Il fût édité à Venise en 1700.
Cette œuvre théologique, écrite en latin, n'est en réalité qu'un extrait d'un ouvrage plus vaste édité pour la première fois à Venise : De delictis et poenis, réédité à Rome en 1754, comme cela figure sur la reproduction jointe
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L'ensemble du traité étant oublié de tous, cet extrait a connu un destin bizzare, comme celui d'un autre manuel catholique sur les péchés sexuels. Il devint un livre érotique, résultat des efforts de l'auteur pour dresser le catalogue des actes entre femmes lesbiennes.

Conscient d'une catégorisation inadapté des déviations morales au Moyen Age, Sinistrari d'Ameno en imagine une nouvelle classification bizzare tout autant que ridicule, mais assurément novatrice pour l'époque. Inutile de dire que le volume finit pour cette raison à l'index des livres interdits dès 1704.

Par exemple, il entend par "sodomie" tant l'homosexualité masculine que le lesbianisme. Il veut étendre les peines infligées aux pécheurs.
Il tente dans son ouvrage de répondre aux questions : Qu'est-ce que la sodomie ? Comment s'accomplit-elle ? Quelles circonstances, quels gestes la caractérisent ? Quelle peine mérite celui qui n'a pas accompli l'acte de sodomei jusqu'au bout ? Comment traiter les actes qui se rapprochent de la sodomie ? Et la sodomie commise par les religieux ?

Particulièrement divertissant est le disours du révérend quand il parle des femmes dont le clitoris est tellement développé qu'il peut pénétrer une autre femme. Il va jusqu'à prétendre que certaines femmes ont et d'autres n'ont pas de clitoris.
On peut considérer cette section comme importante dans la mesure où sa lecture a excité des générations entières d'hétérosexuels masculins et fait courir des fleuves….Pas seulement d'encre.
Sinistrari publia le traité De delictis et poenis à Venise en 1700. Un autre auteur avait déjà publié un livre sur le même sujet Dei delitti e delle pene. Mais alors que Beccaria était opposé à la torture et à la peine de mort, Sinistrari justifie longuement l'usage de la torture lors des interrogatoires des garçons de plus de 10 ans.
Ludovico Maria Sinistrari naquit le 26 février à Ameno, localité de la Riviera di San Giulio dont le Seigneur était l'Evêque Comte de Novara.
Après des études de lettres à l'université di Pavie, il entra en 1647 dans l'ordre des Franciscains. Homme de culture encyclopédique, il apprit seul les langues étrangères et enseigna la Philosophie et la Théologie. De nombreux étudaints venaient de toute l'Europe pour écouter ses leçons.
Passioné de Droit Civil et Canonique, il devient à Rome Consultant du Tribunal Suprême de la Sainte Inquisition, puis Vicaire général del'archevêché d'Avignon, et enfin Théologue auprès de l'archevêque de Milan.
Il meurt le 6 mars 1701.

Vous trouverez l'intégral de ce traité en cliquant sur le lien ci-dessous

De Sodomia


Sous ses allures sévères, cette dissertation juridique recèle un authentique plaisir de lecture. Hélas ! Révolu le temps où l'on évoquait les lesbiennes par l'expression " femmes fricatrices ", où l'on se touchait " les parties génitales sous l'aiguillon de précoces et prurigineux désirs ", où le corps se soumettait aux quatre volontés de ses " esprits séminaux ". Un vocabulaire d'une telle luxuriance, si jésuitique soit-elle, éveillerait même un semblant de nostalgie face à la platitude du langage actuel sur le sexe.
Le " péché muet ", crime suprême de lèse-natalité, fut toujours considéré par l'Église comme gravissime. Sinistrari d'Ameno s'efforce quant à lui de circonscrire au mieux ce vice et les peines encourues par ceux qui s'y adonnent. Il cherche à déterminer si l'acte a réellement été consommé dans l'hypothèse où la " sémination dans le vase postérieur " n'aurait pas eu lieu. Ou encore, il s'interroge, avec un art inné de la circonlocution, à propos de la sodomie au féminin, pratiquée entre tribades. Pour ce faire, il s'appuie sur Platon, Sénèque, Tite-Live, Pline et tout le gratin de la philosophie chrétienne occidentale. Enfin, magnanime, il envisage d'adoucir les tortures des pécheurs qui n'auraient fauté qu'une seule fois. De là à trancher s'il fallait livrer à la potence, écorcher ou décapiter les récidivistes, la question reste pendante… Une certitude pourtant : les cadavres des sodomites doivent être incinérés.Rééditer Sinistrari d'Ameno à l'ère de la Gay Pride équivaut bien à exhumer Sade sous de Gaulle. C'est un pied de nez taquin à l'air du temps, une véritable initiative " à rebours ". Saluons-la avec autant de respect que, à l'époque de la Cité des Doges, on s'inclinait au passage de cette courtisane dont, murmurait-on, " le clitoris avait la grandeur du cou d'une oie".